27.3.05

Enfin, un jour

Enfin, un jour, grande excitation dans le camp, le Judenältester (le plus âgé des juifs) est appelé par le responsable du camp de Bergen-Belsen et là-bas en présence de deux civils, il déclare que notre camp sera transporté en Suisse dans les 8 jours !

Nous avons pleuré, nous avons ri, on le croyait à peine.

Ensuite arrivent les jours de doutes et d’espoir. Après 8 - 10 - 12 jours, de nouvelles très divergentes transpirent du camp voisin et de la cuisine et à travers les docteurs.

Nouveau désespoir, encore plus de déprime.


Quand déjà nous voyions devant nous que nous allions y rester à jamais, d’un coup, par un beau jour (pluvieux, froid, avec du vent, mais quand même merveilleux, le quatre décembre le matin; nous avons reçu l’ordre : tout le monde doit être à la porte dans une demi-heure. Suit un énorme bruit et agitation, faire les paquets (ceux qui y croyaient l’avaient préparés déjà dès la première semaine). Enfin, à notre bonheur, nous devions vraiment tous faire nos paquets.

La demi-heure s’est prolongée jusqu’au lendemain, mais à midi le cinq décembre, tout le groupe était « reisefertig” (prêt pour le voyage.

Quelques jours avant cette date nous avons reçu de Suisse des paquets de la Croix-Rouge avec des médicaments, des vitamines et du chocolat, etc. avec lequel nous avons un peu repris des forces, tant corporellement que psychologiquement. La dernière semaine, notre alimentation a été améliorée un peu, (en nous demandant aussitôt à faire de la bonne propagande aux Allemands!)

Pour la route, l’Office d’Économat a distribué du pain, qui avait été mis de côté pour les cas graves, et l’après-midi à quatre heures on s’est mis en rangs de cinq pour le dernier appel. Ceci a été le premier appel auquel nous avons participé avec plaisir ! ! !

Hélas, une surprise extrêmement poignante, douloureuse, triste et bouleversante nous attendait. Elle nous a touché encore plus douloureusement personnellement. En plus des couples Dr Weisz et Dr Kertész, punis de ne pas venir avec nous parce qu’on les avait attrapés avoir correspondu avec leurs filles arrivées d’Auschwitz, qui étaient déjà dans un camp voisin, on a appris que la famille de Brand devait aussi rester là.

Ainsi Ida, (la grand-mère de notre Boriska) et sa sœur Hanna, devaient rester de toute façon. Quand la pauvre Hanna, a appris que sa demande de partir avec les autres avait été refusée, de sa bouche a échappé une demande de la laisser dire au revoir à ses sœurs. Comme résultat Ella, la mère de Boriska avec sa fille Meta ont été aussi obligés de rester. Leurs paquets ont été retirés avec difficulté à le dernière minute des tas des autres (contrôlé les jours d’avant par les Allemands).

À peine avons nous pu leur dire au revoir, nous sommes partis donc attristés vers la gare de Bergen-Belsen se trouvant à sept kilomètre du camp en rangées de cinq, sur nos dos dans un sac de dos, les couvertures, aliments et ce qu’il nous fallait sur la route, croulants sous le poids, petits, grands, malades, faibles titubants, presque tous défilant à pied. Nous étions encore sceptiques et nous avons compté avec la possibilité qu’on nous traîne seulement quelque part, dans un autre camp.

La pauvre Ella avec sa fille avait été placée déjà dans le camp voisin avec l’étoile jaune. J’ai pu encore leur passer ma literie. On a aussi réussi à leur passer des aliments et quelque argent. Brand Joël, avait été envoyé de Budapest en Turquie pour discuter de notre sort et il n’a pas réussi à revenir. Il a donné des interviews qui sont parues dans les journaux de Palestine, d’après les Allemands « Shadet uns und schadet sich » (il nous a fait honte, vous a fait honte1). Il est toujours en Turquie probablement. Kasztner Rezsö et son copain travaillant pour notre groupe et les autres juifs, ont dû rester en Allemagne, par contre, sa famille a pu venir avec nous.

La pluie dégringole sur nous, après une route de deux heures, de nouveau une alerte, le vent siffle, nous sommes arrivés à pieds sur les quais. Nous nous asseyons sur nos paquets tremblants de froid et de fatigue et blasés ; ou piétinons sur place.

Nous attendons jusqu’à dix heure du soir que les wagons arrivent. Enfin ils sont devant nous, les wagons (et pas de wagons à bestiaux comme avant). Dans l’obscurité, nous nous poussons à huit ou neuf dans un compartiment. Avec peu d’arrêts, mais mise sur des voies de garage à chaque gare ; nous continuons la route jusqu’à sept le soir. Où allons nous arriver ? Les fenêtres sont hermetiquement fermés, on ne peut rien voir dehors. Sera-ce vraiment en Suisse ?

Notre Suzanne, notre petite fille tousse sans arrêt et elle a une grosse fièvre, déjà pendant des semaines à Bergen-Belsen elle toussait fort. Pas question de dormir, juste nous reposer assis

Nous sommes à la f r o n t i è r e !

Nous arrivons à peine en croire nos yeux que c’est vrai, que nous nous sommes effectivement échappés !


À la première gare Suisse de la frontière, des charmantes femmes de la croix rouge nous attendaient et nous proposaient de leurs voix chaudes, et distribuaient dans une casserole de porcelaine, de la bonne, fine soupe chaude de tapioca.

On nous transfère dans un wagon chauffé, avec de grandes fenêtres, poliment et gentillement, les soldats prenent les enfants dans leurs bras, nous aident à passer et nous partons dans un train chaud et illuminé brillamment - notre route vers Sankt-Gallen paraît un enchantement, il paraît qu’on va nous y mettre dans une caserne pour quelques jours.

Lumière ! Chauffage ! Les surveillants, soldats et officiers sont amicaux, souriants, et nous aident !

Nous arrivons très fatigués, ne comprenant même pas tout à fait notre bonheur, vers quatre heure de matin. Nos paquets sont restés dans le wagon scellé jusqu’à ce qu'ils soient désinfectés, pour ne pas apporter une maladie infectieuse. On nous assure que la route n’est que de dix minutes jusqu’à la caserne où ils vont nous mettre en attendant.

En se traînant, piétinant à cause de nos chaussures de bois et de notre fatigue, nous traversons une partie de la ville, ses rues propres et illuminées et nous arrivons à quatre heures devant une maison de plusieurs étages, les fenêtres illuminées en bas défilent devant nous et nous sommes accueillis dans une salle avec de longues tables dressées avec gentillesse et nous apercevons dessus des tasses, des couverts et des assiettes ! Nous avons le même sentiment que la Blanche Neige du conte arrivant fatigué chez les nains et apercevant la table mise…

À quatre heures de l’aube, une soupe esquise, nourrissante, chaude nous attend et un accueil plein de compassion, dans de grandes salles chauffées de paille fraîche, de couvertures chaudes, de lumière brillante. À la place de « latrines », des W.C., séparés l’un de l’autre, avec du papier de toilette, de l’eau courant dans les salles de lavage, des cuves et de chauffage central.. Cela était un des plus horrible manque à Bergen-Belsen, l'absence de n’importe quelle sorte de papier.

Comme petit-déjeuner un formidable cacao au lait chaud, du pain au goût merveilleux avec beurre et confiture. Le déjeuner savoureux : des soupes excellentes et, ou patates avec une sorte de viande, ou de bons légumes ; beaucoup de pommes comme cadeau d’amour donc de vitamine. Le dîner : pâtes avec fromage ou café au lait avec beurre et confiture, ou de la très bonne semoule de mais avec beurre et même de lait, etc.

Mais le plus important est la gentillesse et la bonté des soldats qui nous gardent, donnant des cadeaux à tout bout de champs à nos enfants, des chocolats, etc. et aussi comment les femmes de croix rouge s’occupent des gens plus affaiblis, en leur proposant en plus thé, lait car hélas, presque tous entre nous sommes encore très faibles.

Comme par réaction se déclenche en nous une énorme fatigue corporelle et d’esprit et pendant plusieurs jours nous gisons avec apathie dans la salle chaude et amicale. Nous regardons rarement par la fenêtre et nous ne profitons que peu du panorama pourtant charmant de la petite ville qui rappelle à ceux qui sont venus de Kolozsvàr, un peu Fellegvàr [Château de Nuage, la colline où j’avais habité avant], mais en beaucoup plus soigné. Une ville fort propre et très illuminée.

Le lendemain midi Laci, notre cher fils ayant appris notre arrivée, a pu venir devant la fenêtre de la caserne et bien sûr, notre première question a été la santé du petit Thomas qui, grâce au Dieu, a vraiment échappé et maintenant il est déjà en bonne voie vers la santéde guérison. Nous avons dû hélas raconter la triste nouvelle au sujet d’Ella et toute la famille de Boris, ma belle-fille qui ont dû rester là-bas.

Nous avons reçu de mon fils des merveilleux cadeaux, tout comme les autres à qui la famille était arrivée avant nous : du chocolat, des pommes, des gâteaux, des cigarettes bonnes pour ceux qui fument. Nous avons appris seulement plus tard que tout cela, même ici, on les achète avec des tickets, mais par contre tout, le thé, le café, le chocolat, sont d’une qualité d’avant-guerre.
1 la vérité nuit, et "fait honte"

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