27.3.05

La baraque de l'hôpital

Dans la baraque de l’hôpital vivent et dorment environ 130 personnes. Nous vivons dans le bruit sans cesse. Même la nuit dans cette baraque le bruit continue.

Une femme en train d’avorter gémit, se plaint, la doctoresse ne veut pas s’en occuper encore, c’est trop tôt. Les autres malades et les accompagnateurs s’impatientent.

"Il n’y a personne à l’aider ?"

Personne d’autre ne s’étant pas proposé, je descends du mon lit du deuxième étage et dans l’obscurité me cogne sur le bois me cassant deux côtes. Comme accompagnatrice, je n’ai pas le droit à un lit en bas. Telle que je peux dans le noir complet, j’accomplis l’aide le plus primitif sur les malades, j’essaie d'aider la femme gémissant en la massant, avec des compresses, en m’aidant d’une petite lampe de poche.

Nous avons atterri dans cette baraque hôpital, parce que mes petites filles Mariette et Suzanne sont arrivé à Bergen-Belsen avec fièvre et elles gisent ici, leur mère et moi les accompagnons.


Six semaines d’énervement. L’impatience grandissante gagne notre camp.

Enfin arrive pour la deuxième fois Krumai avec qui nos chefs sont tombés d’accord. Pour permettre à 1660 d'entre nous d'échapper en Palestine ou dans un pays neutre, les Allemands ont réclamé énormément d’argent et or, etc. Krumai lit 300 noms d’après une liste faite à Vienne. Ces chanceux, il paraît qu’ils seront transportés en Suisse, si tout se passe bien.

On a réussi à ajouter encore 17 personnes, une partie des organisateurs et parmi eux, la famille de mon fils. Son nom était dans la lettre d’accompagnement, et en se référant à la grave maladie de notre petit-fils Thomas, on a réussi à mettre difficilement leurs noms aussi sur la liste. Mon petit-fils d’un an gravement malade avec grave diarrhée infectieuse et l’on n’a plus aucun médicament pour le soigner et sauver sa vie. Anne et ses deux filles, mon fils et son fils Pierre se sont déjà remis d’une longue rougeole puis des oreillons, diarrhée et une grave infection de poumon. J’ai été malade moi aussi, et mon mari, Emil est malade souvent, il faiblit et maigri de plus en plus.

Les familles de Brand et Kasztner n’ont pas pu partir non plus. Krumai assure que dans six semaines tout le camp partira.


Encore six semaines. Semaines d’attente, de faim, d’inquiétude.

Nos chefs font la liste de ceux qui partiront dans le prochain groupe. On tente de les influencer sans cesse, obtenir protection, on se bat pour être mis sur cette liste. Les sionistes et ceux qui ont donné beaucoup d’argent, ont fait une pétition en soulignant leurs mérites.


Les semaines passent, les unes après les autres et c’est déjà le 2 septembre, Krumai était ici il y a sept semaines, et rien ne bouge, nulle part.

Le départ des 317 personnes a été fort inquiétant et en même temps poignant. Nous avons encore cru que le tour de chacun de nous arriverait. Dans beaucoup des familles, la plupart, ont dû laisser ici certains de leurs membres. Au départ nous étions tous dehors, le groupe est parti en chantant le Hatikva.

Pendant le départ, nous étions tous dehors, à côté de clôtures barbelées de l’enceinte, c’est là que se sont séparés ceux qui partaient et ceux qui restaient.

Je ne pourrais jamais oublier, quand (dans la dernière minute j’ai porté en courant thermos avecdu thé au portillon) et j’ai vu mon cher fils unique fort amaigri : la sueur tombait de son front, ses deux bras tendus droit devant lui et dessus, comme dans un petit lit, le petit a maigri, n’ayant plus que la peau sur les os. Derrière lui avec le petit Pierre, ma bru sanglotait parce que sa mère et sa sœur restaient ici et, après un court adieu, je les ai vus partir.

Jusqu’à leur départ, je me suis tenue héroïquement en disant javrochechot (la bénédiction juive) après eux.

Qui sait comment ils arriveront et si on les emmenait vraiment là où ils le promettent? Qui sait si nous n’échapperons jamais vivants de la gorge de « lion » où nous nous sommes entré de nous mêmes, de peur de la déportation. Qui sait si nous ne les reverrons un jour!

Mes chères Anne, Suzanne et Mariette, qu’on n’a pas réussie à faire libérer d’ici, pourtant c’est pour eux que nous avons démarrés, nous aussi de Budapest.

Je sanglotais appuyée aux barbelés.


Après d’autres semaines, la nouvelle arrive de Budapest : il n’y a pas de déportation là-bas. Les juifs, vivent dans des maisons groupées, mais restent à la maison. Quelques-uns ont reçu des paquets sans importance, mais avec l’écriture des familiers et comme adresse d’envoyeur celle de leurs ancien logement, est rassurant.


Nous souffrons de captivité déjà depuis trois mois.

L’homme s’acclimate miraculeusement. Aujourd’hui déjà on attend avec impatience la nourriture immangeable et les amaigrissements ne sont plus si rapides. Chez certains il stagne même. Notre occupation principale après le travail qu’on nous répartit et le travail autour de la nourriture est de nettoyer autour de nos lits.

Notre avantage dans le camp nommé « Vorzuglager » relativement aux autres camps est que les Allemands ne nous font pas travailler pour eux, ne mettent pas la main sur nous, il n’y a pas de gardiens allemands à l’intérieur de barbelés: ils ne viennent que pendant l’Appel pour nous compter.

Notre responsable, Dr Jozsef Ficher a reçu le titre de « Judenëltester » (le doyen des juifs) et un brassard sur le bras. Quand un de nos hommes de liaisons (parlant en notre nom avec les allemands) a dit : « unser Führer » (notre chef), l’officier Allemand a déclaré : « Führer gibt es nur einene, Unseren Führer ! » (Il n’y a qu’un seul chef, NOTRE Chef).


Le déroulement de notre vie.

Réveil à 6 heures chez les hommes, six heure et demie chez les femmes. Café noir amer ou tisane insipide; jusqu’à sept et demi nettoyage autour des lits. Quelquefois au petit-déjeuner il y a avec le thé du pain avec de la marmelade ou de la margarine, quand il n’y a plus de pain avec oignon ou salé. D’autres personnes nettoient à tour de rôle. (Souvent, l’extermination des poux et des puces.)

L’APPEL. C’est le moment le plus désagréable de notre journée.

Salle de lavage. On nettoie le WC à tour de rôle aussi. Une ou deux fois par semaines nous lavons puis séchons dehors, en surveillant, parce que malheureusement beaucoup de choses « ont changé de propriétaire » pour ne pas employer un mot plus blessant. Le déjeuner est à 11 heures. Depuis deux semaines, celui-ci est un peu amélioré. Ou alors, nous sommes tellement affamés (ce qui est plus probable) que tout commence à nous plaire. Le pain de soldat noir et dur, par exemple, que nous croyions au début ne pas pouvoir avaler, nous parait quelquefois un délice. Nous avons faim toujours. Le dîner est de nouveau seulement un café noir vide, 1-2 fois par semaines une soupe d’orge mondé. Ce dernier nous plaît spécialement.

La petite Mariette, elle a six ans, vient de dire :
- Grand-mère, ici nous avons tant des bonheurs !
- Quelles sont-elles ? je lui demande.
- Mais grand-mère, le matin, nous petit déjeunons, à onze heures on apporte le déjeuner, et le soir quelquefois nous enfants, recevons même de la semoule.

Bien sûr les gens sont de plus en plus nerveux, et la nécessité d’être ensemble tout le temps produit de plus en plus de disputes orageuses. Beaucoup de mauvaises natures sortent, fort peu des belles et des gentils sentiments. D’après une femme spirituelle de Budapest, nous sommes comme les vieilleries au marché aux puces rue Teleki: "seulement le spécialiste réussit à trouver la chose rare de valeur".

Nos chaussures sont tombées en loques, beaucoup ont à peine de vêtements chauds. Ici le climat est toujours humide, pluvieux et presque toujours inamical.

Dans cette grisaille sans espoir, seulement le ciel étale sa splendeur au-dessus de nous, des nuages curieux, quelquefois un soleil ou lune spécialement merveilleux. Très loin, à gauche, on voit une pépinière des sapins.

Toutes les deux semaines on nous conduit en rang par 5 à une douche commune, sous chaque douche 4-5 personnes se bousculent, environ 100 corps nus maigres et affaiblis se prélassent sous la surveillance de soldats allemands pendant dix minutes. Nous sommes quand même heureux du bain, de l’eau chaude autour de nous et nous sortons quelques pas dehors les barbelés. Ceci en lui même est un sentiment apaisant.

C’est seulement en allant au toilettes sans eau (C sans W) que nous rencontrons des arbustes étiques, mais à la manière allemande tout est aligné, sans aucun mauvaise herbes, ils sont eux aussi “rechtsum” (mis en rang). Quand nous passons dans la cour de la salle de douche, un grand chien loup montre ses crocs et nous sentons que si on le lâchait en quelques minutes il nous mettrait en pièces.

Le déjeuner : navet avec carottes ; choux avec pomme de terre ; courgette avec pâte ; bette avec pomme de terre ; queue d’oignon avec un légume inconnu. Deux fois, nous avons même eu quelque chose de vert qu’ils ont nommé épinard. Le rouille est faite avec farine et, à la place du graisse, avec des pommes de terre râpées. Le tout sans avoir été épluché, grossièrement lavé, donc tout contient du sable. De temps en temps quelques uns d'entre nous réussissent aussi à pêcher un petit morceau de viande de la masse compacte de 5 et maintenant déjà 7 décilitres.

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