27.3.05

La vie est tumultueux

Caux, 18 mai 1945

Si le dicton disant que la vie est belle quand il est tumultueux est vrai, alors dans notre camp de Caux, cela se confirme, toujours.

À peine passé le danger qu’on nous emporte en Alger, à cause pas seulement de nos protestations et pétitions déposées partout, mais surtout de la paix survenue - nous avons eu une réunion grande et festive pour fêter Kazster Rezsö, le sauveur de ce groupe. Il a raconté beaucoup des détails extrêmement atterrants de la destruction par les Allemands et les Hongrois - qui dépassaient en horreurs et dimension les plus horribles tortures de moyen âge de loin ; dont on parle dorénavant même dans les journaux, la destruction systématique avec moyens modernes et tortures incroyables, auquel a tombé victime 90 % des juifs d’Europe.

Nous sentons que nous ne pouvons supporter cette énorme tristesse, le poids de la douleur. Nous sommes depuis détruits psychologiquement, nous n’arrivons pas à comprendre, percevoir comment nous avons pu échapper, quelques-uns, ce petit pourcentage.

Caux, 4 juin
Pour la journée d’aujourd’hui notre départ était décidé malgré tout. Á la demande spéciale des Suisses, les Américains et ONU ont choisi ce jour-ci-ci-ci pour nous transporter d’ici jusqu’on obtienne des visas d’entrés. Ils veulent nous prendre à Tunis.

De nouveau habiter dans des baraques, même si sous hospices plus amicaux et moins dangereux, partir, être jetés ici et là, nous en frémissons tous, d’autant plus qu’en Afrique nous attend le contraire de froid physique effectif : pour les ceux d’Europe centrale de la canicule difficilement supportable. À cela s’ajoute, que nous avons demandé le droit d’entrer en Palestine à partir de Suisse pour le groupe de Bergen-Belsen et il ne peut pas être remis dans une autre payse ou par quelqu’un d’autre. Et si on peut, c’est après un très long et difficile procédure et pas sûre.

1er juillet
Que pouvaient faire les membres « république » de Caux ? Ils ont décidé de faire du r é s i s t e n c e p a s s i v e avec l’accord de notre président plein de bonne volonté, mais avec des gestes et des façons un peu trop Europe Central. « Nous ne partons pas d’ici dans un lieu de transit. Nous nous enfermons dans nos chambres, s’il arrive à cela. »

Les dames de FHD ont passé de chambre en chambre nous disant : « S’il vous plaît, faites vos bagages jusqu’à demain et qu’ils soient prêts pour contrôle à dix heure dans la salle de bas. »

Nous avons tous répondu : « Nous n’allons pas faire les bagages. »

Certains ont affiché sur le mur de salle à manger des dessins et des affiches blessants pour les Suisses (nos chefs les ont enlevés rapidement, mais les Suisses l’ont lu et se sont sentis extrêmement fâchés). Ce qui a été le couronnement de notre attitude inamicale, nos hôtes Suisse ont eu assez et ils ont décidé la dernière minute - quand nous avons réellement reçu 700 certificats - prouvant que nous ne voulons pas abuser de droit d’hôte, que s’ils ne peuvent pas nous transférer ni à Alger, ni à Bari aussitôt, ils nous mettront dans un camp de punition Ils mettront nos chefs, Dezsö Hermann et les autres dans un camp séparé, et nous dans des baraques à Monthey. De nouveau, nous dormons sur le bois, à côté d’une sucrerie hors d’usage, tout près de dépotoir et de l’écoulement de l’eau sale.

Ils ont demandé la démission d’Hermann. Dr Weiss nommé à sa place, après quelques jours très durs, avec ses mains chanceux et des moyens tranquilles et diplomatie, en parlant bien des langues, a réussi très adroitement de résoudre tous les problèmes. Monthey est tombé comme lieu de séjour, mais nos anciens chefs ont été déplacés, éloignés de nous.

Nous avons été divisés en deux groupes : les deux sont dorénavant dans un hôtel agréable. Nous, 107 qui avons demandé d’immigrer en Palestine dans un petit hôtel à “Les Avants” et ceux qui vont retourner en Hongrie ou en Roumanie sont à Bristol, un grand et bel hôtel de Montreux.



Les Avants est comme une agréable ville de bain autrichien. Outre l’Hôtel de Sport où nous habitons, il y a la Grand Hôtel, nombreuses pensions et maisons de villégiature et puis les habitants de village. Vis-à-vis de nous, une excellente pâtisserie, des boutiques, une coiffure.

À gauche, au-dessus de nous, un panorama et un hôtel San Loup, un funiculaire y conduit, mais nous sommes allés jusqu’ici toujours à pied (3/4 d’heures une agréable route en serpentine ou sur les marches 20 minutes). D’en haut, un panorama tout autour est ouvert à tous et la place aussi. D’un côté on aperçoit le lac de Genève et le soleil reste deux heures plus tard qu’ici, à Les Avants, nous avons de soleil de matin et après-midi à six le soleil est déjà caché derrière les montagnes. Un des avantages de ce climat est qu’il n’est pas trop chaud.

Notre petit groupe s’est réchauffé de plus en plus. Nous avons fait connaissance et aimés ceux que nous ne voyons que de loin dans le grand groupe. Irsai Pista, un artiste graphiste, a été très gentille avec moi. Je lui avais demandé à Caux de dessiner une couverture pour ce journal, depuis que nous sommes ici, il m’a aidé lui-même, et ainsi, ma chère Katinka, ce cahier a reçu cette belle couverture crée avec un goût artistique.

J’ai essayé de conserver dans ce cahier les souvenirs graves de notre vie de l’année, ses péripéties qui essayent d’immortaliser pour v o u s, mes enfants et petits-enfants. Irsai a utilisé le premier mot de mon journal, a ajouté une étoile juif, des barbelés et un emblème SS pour rappeler nos sorts commencés horriblement. Sur le dernier page de ce cahier blanc bleu, il a mis CAUX et un drapeau Suisse, rappelant que nous avons échappé.




Irsai, graphiste, a fait déjà des dessins à Bergen-Belsen, il a croqué la vie de camp en neuf images et il a imprimé à partir de là des cartes postales. (jk: J'ai vais les ajouter à ce blog)
Bergen Belsen, illustrations from 1945
Presque tous avons acheté des cartes faites par lui, il a recoloré personnellement les miens, sachant qu’ils arriveront dans ce journal : les déboires, les rêves, avec 9 images . Je les ai tous collés dans mon journal.

En les regardant j’ai revécu de nouveau :

(1) Les longues nuits, couché les uns au-dessus de l’autre, dans les valises sous le lit des souris ont fait leurs nids, tout est devenu humide dedans et moisie et le ciel étoilé, les barbelés que nous avons aperçu ceux qui sont entre nous, les 120 de la baraque qui avait le lit le plus près. C’était un espace pas tout à fait de 2 m2 qui était notre logement. Des lits d’en haut, de temps en temps tombaient sur notre visage un poux, n’importe combien nous sortions nos lits, n’importe combien de fois nous brûlions - quand il pleuvait (et quand il ne pleuvait pas ?) on mettait sans résultat une cuvette, (ceux, heureux, qui en avaient) ou autres choses pour se protéger, tout devenait humide !

(2) j’ai assez écrit de notre baraque plein des enfants.

2 bis. Les baraques de l’hôpital utilisé pendant les fêtes comme église. J’ai déjà écrit sur lui. C’est ici qu’étaient mises, sur le mur rempli des armoires, les denrées à distribuer que nous regardions tous avec convoitise. D’ici était distribué malheureusement avec des protections, le peu de nourriture que nous attendions affamés et tremblants pour soulager notre faim. D’ici disparaissait de temps en temps un pain, et la nuit, dans l’hôpital on se réveillait : quelqu’un marche dans l’office d’alimentation. C’est ici qu’on a organisé, dans un bureau séparé quelques après-midi inoubliables de récitation de poèmes par le Wico et ici avait une partie séparé le « Judenaltester » et sa famille, et le président adjoint.

Il est arrivé qu’un de leur visiteur a reçu là du « vrai thé avec de vrai sucre » et c’était un évènement envié par nous les autres. Pendant les fêtes, cette baraque a été transformée en église avec une menora dessinée et coupée de papier, et avec l’aide d’un tapie coloré de motifs persans. C’étaient des offices tristes, émus. Ils resteront toujours dans notre mémoire. Déjà, en plus de nous, qu’on croyait déjà que nous périrons tous là, nous pleurions nos chers déportés, entre lesquels, hélas, on reverrait tellement peu et qu’on a détruit avec une telle cruauté raffinée, ces barbares pires que les plus scélérats des malfaiteurs.

(3) Le chaudron. La nourriture de chaudron. Le 5 à 7 dl quelque chose qu’on avalait avidement et qui ne contenait la plupart de temps que de panais et non la carotte dessiné comme symbole par Irsai. On recevait d’habitude de bête. Quand il arrivait dedans quelques pommes de terres ou courge, il était déjà considéré comme un repas excellent. Les jeunes hommes entre 16 et 25 ans ont ramassé des restes et pour cela ils ont reçu, par amitié, de la jaunisse. Dois-je ajouter que déjà demi-heure après le déjeuner, nous voyons des étoiles tellement nous avions faim !

(4) La tour de contrôle de patrouille illuminait seulement de temps en temps avec son réflecteur sur nous dans la noir profond, est-ce la patrouille nous espionne ? Derrière le tour, voit-on l’immeuble de bain ? Peut-être le crématorium ?

(5) Notre pain de tous les jours. On nous distribuait lundi pour quatre jours, il fallait le diviser pour ces quatre jours. Mais déjà le lendemain notre horrible faim a vaincu notre sens d’organisation et il n’en restait que le quart à peine, pour le troisième jour au maximum un petit morceau mince pour le petit-déjeuner, et si nous sommes riches, nous le dégustons en même temps que le café avec de l’oignon, mais bien sûr, le quatrième jour, on ne regardait que les étoiles dans notre faim.

(6) Le mode enfantin de Bergen-Belsen en hiver 1944 ! Les petits partis seulement avec des robes d’été, on avait échangé, pour une assiette de légumes, une portion de pain, des morceaux de couvertures pour leur confectionner de pantalons longs (tous nous l’utilisions contre le froid humide) des haillons de différentes couleurs et sur les pieds de chaussures en loques, des morceaux de bois artistiques. Même ainsi il y avait plus de pieds gelés.

(7). Dans la nuit profonde nos désirs - apparaissant de plus en plus irréalisable, l’image d’un bateau qui nous « sauve », qui nous emporterait d’ici et nous libérerait, nous emporterait à la Terre Promis, en Palestine...

4 commentaires:

Brigetoun a dit…

formidable document. On se sent un peu voyeur, mais en fait elle l'a écrit pour qu'il soit lu, par sa famille bien sur, mais peut être aussi par d'autres ?

Julie Kertesz - me - moi - jk a dit…

bien sûr, elle espérait qu'on s'en souvient, même si elle l'a écrit pour soi d'abord et les petits enfants à venir et existantes ensuite - et qu'on le lit

etienne milena a dit…

Dear Madame,
To share that with us, anonymous readers all around the world is such a generosity.The best friend of my Mum, is one of the translaters of the Ringelbaum (sorry if I don't write the name properly) of the Museum of the Ghetto of Warsaw (hyddish to polish). I will send her a link with your translation. I wont write down anything about my own family background in the Wild very Wild Web, since racism isn't a myth nowadays. But thank you anyway!

Blogger a dit…
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