27.3.05

Nous avons reçu la permission

Laci est arrivé, avec Boris et leur petit Pierre, pour nous visiter et nous avons pu aller visiter Montreux avec eux. Nous avons pris spécialement de plaisir à ce déjeuner servi à la façon normale bourgeoise, (comme à l'hôtel Gellért ou Hungaria les meilleurs de Budapest), nous avons vu un film de la période de paix et l’après-midi, un goûter dans une pâtisserie aux panoramas merveilleux nous avons dégusté de délicieux gâteaux.

Nous avons acheté de petites choses qui nous manquaient depuis longtemps. Autrement, nous avons reçu de la Croix-Rouge des choses plus ou moins fatiguées, mais en un état pas trop mauvais. Des chaussures, des pantoufles chaudes, des bas, des sous-vêtements, des pulls, des robes, etc. quelques-uns en ont même reçu plusieurs fois et tout le temps il y a de nouveaux arrivages.

Au début, c’était un sentiment horrible de faire la queue pour recevoir les donations, mais nous nous y sommes habitués aussi à ça. Nous nous rassurons, que nous allons donner nous aussi davantage à ceux qui ont besoin aussitôt que nous le pourrons. Le franc suisse est une valeure très chère même à ceux qui ont de l’argent et l’on donne seulement une petite somme chaque mois, en plus beaucoup de choses ne peut être acheté qu’avec des bons, et nous les réfugiés, nous n’en avons pas reçu.

Pour les fêtes de fin d’année, notre Susanne revient, elle a grossi deux kilos dans l’hôpital et nous apprenons avec délai qu’elle avait eu une pneumonie, nous avons pleuré de peur de ce qui aurait pu lui arriver. Mais dans l’hôpital, ils l’ont bien nourri, elle a été ensemble d’autres enfants, français et allemands, a reçu des cadeaux et s’est sentie bien.

Nous complétons l’alimentation de masse d’ici avec beaucoup de sardines et autres nourritures sans bons, mais hélas, ceux qui n’ont pas d’argent s’en sortent assez difficilement, pourtant différentes institutions leur envoient de l’argent de poche mensuellement.



Au moins, s’il ne ferait pas si froid. Les mains et les pieds des enfants se sont gelés et se sont couverts de plaies, il faut les panser déjà. Mais on a des bonnes couvertures chaudes et nous nous réchauffons sous les couvertures reçues. Hélas, même ici, on se met au lit aussitôt qu’on peut. La Suisse est entourée des états en guerre, il n’a pas beaucoup de charbon ni d’aliments. Mais nous recevons largement des pommes, des patates, des sardines, on sucre le thé avec de la saccharine, on a journellement du café au lait ou du cacao au lait.

Des organismes juifs nous envoient des livres, nous avons une bibliothèque gratuite ainsi et elle est continuellement fournie avec de bons livres français, ce dont j’ai un grand plaisir et quelques autres aussi.

Les enfants, conduits par Anne ont préparé un spectacle de danse pour la fête des arbres qui a eu lieu dans une belle salle de théâtre. Notre Suzanne avec une jolie danse, en tant qu’ange principal du milieu, a réveillé un à un les autres enfants arbres dormants (Mariette a été un petit arbre). Les « vents » ont dansé et les autres arbres aussi sont devenus vivants.

Le journal hebdomadaire israélite de Zurich l’a souligné comme la meilleure de soirée des rescapés de Caux.

Nous avons pu aussi nous réjouir d’un concert. Le chanteur d’opéra Erster accompagné par un violoniste, une celliste et un pianiste. Tous des artistes. Le colonel dirigeant de notre camp les a chaudement félicités, leur assurant de bons sentiments de la Suisse et leur souhaitant du courage pour l’avenir.

Pour Pourim, notre camp a organisé une soirée drôle, puis le lendemain, une soirée sérieuse “Bunter Abend”, à laquelle Anne a participé aussi en dansant sur la musique de Rachmaninov avec le thème : « Libération ». Elle a eu grand succès. Élisabeth Palotai, grande artiste nous a ému avec un poème qu’elle a écrit et récité : « Hommage à la Suisse ». Les dames de FHD et de Croix-Rouge habillées dans des vêtements fortement colorés de tous les cantons de Suisse ont chanté dans les quatre langues du pays des chanson populaires charmantes.



Nous avons enfin reçu une permission et nous avons pu visiter Laci et sa famille pour trois jours. Nous nous sommes sentis formidablement bien à Genève.

Nous y avons plongé dans l’ancien milieu bourgeois à lequel nous étions habitués avant la guerre : chacun avec son propre lit blanc impeccable deux dans une chambre, sonner et l’on nous apportait un petit-déjeuner exquis ou le café d’après-midi, sur les nappes et serviettes de blancheur impeccable, possibilité de prendre un bain et ... d'être ensemble avec les nôtres.

Genève est une merveilleuse ville. L’illumination brillante au soir, avec néon était très intéressante pour nous (qui avons vécu dans le black-out depuis longtemps). Tant les maisons modernes que celles patinées de la Vieille Ville sont fort belles. La ville a un beau musée, leurs collections des montres est spéciale et leur section d’instruments de musique s’étend à des centaines d'années en arrière, ils y exposent des violons et d’autre instruments de tous les pays.

Sur la rive du lac est la Quai Wilson, la partie “ville de bains” est particulièrement attirante. La bibliothèque excellente, il y a même une bibliothèque chinoise séparée et beaucoup d’autres choses intéressantes qu’on espère pouvoir visiter à la prochaine visite.

Emil a été heureux de pouvoir visiter une partie du palais du Peuple Fédéral, autrement fermé aux étrangers, avec un “laissé passer spécial” du secrétaire, comme écrivain économique s’occupant de ces problèmes et il a reçu aussi de documents. Il a créé un lien pour en obtenir aussi à l’avenir.

Anne a déjà fait plusieurs excursions à Montreux et Lausanne. J’ai fait moi aussi, une agréable excursion à Glion avec la famille Citrom et aussi quelques belles promenades à Caux (toutes quelques heures à pied). Tout est très varié ici, chaque tour de chemin plus beau que l’autre. Une connaissance a remarqué qu’en Suisse la différence est seulement « combien de carats » parce que chaque partie de ce pays est comme un bijou. Et c’est vrai !

Caux, mars 30, 1945
Quelques semaines merveilleuses et ensoleillées de printemps. La chaleur d’été presque. Du matin au soir, nous pouvons être dehors, faire un bain de soleil sur nos balcons, nous sommes bien bronzés, tout apparaît beau et bon, oubliées toutes nos difficultés. Notre colonel donne sans trop de problème des permissions et de plus en plus souvent aussi des “laissez - passer” , ainsi la majorité du camp sort tout le temps, nous faisons des excursions dans les environs, surtout à pieds, quelquefois avec le funiculaire : à Montreux, Territ, Vevey, Les Avants, etc. etc.

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