27.3.05

Pourquoi seulement nous?

décembre 1944

Par contre le douleur nous frappe de plus en plus comme un coup de fouet, en nous angoissant sans cesse et nous n’arrivons pas à y échapper : pourquoi seulement nous, une quantité tellement infime d’entre nous aréussi cette miraculeuse échappée, qu’y est-t-il arrivé aux autres, nos chers proches? Où souffrent-ils? Les reverrons-nous jamais ?

Laci nous raconte qu’entre temps Budapest est tombé sous la domination des fascistes hongrois, le siège de la ville dure depuis longtemps. Il nous dit, qu’avec quelques amis, ils ont réussi à avoir des passeports de San Salvador et a envoyé des sauf-conduits, après qu’on ait reçu de Budapest des télégrammes en faire crever le cœur. Mantello, le consul Suisse de San Salvador a aidé Laci en se dépensant à sauvegarder autant qu’il a pu. Le sort de juif s’est empiré et aussi ceux de province.

En dehors des 14.000, qui étaient sous protection du consulat Suédois ou Suisse, tous les autres de 14 ans à 60, ont été chassés à pied vers la route de Vienne et ceux qui n’ont pas résisté, pas réussi à continuer, et se sont effondrés, ont été tués et beaucoup d’autres horreurs que nous venons d’apprendre. Il y a eu de longs articles sur Auschwitz et l’horrible et triste nouvelle disant qu’en avril 1944 les chambres de gaz ont fonctionné systématiquement, de nouveau, justement en rapport avec la déportation des juifs hongrois, à la volonté des SS sanguinaires et cruels se vautrant à cœur joie dans l'atrocité et la cruauté.

Le partenaire de Laci a demandé aussi un passeport de San Salvador, pourtant il est un chrétien ancien, mais sa femme est d’origine juive. Notre fille Katinka, son mari Pista et notre nièce Julie ont reçu aussi des passeports. La seule chose que nous savons d’eux est qu’au début du siège de Budapest ils étaient toujours là-bas.

Nous avons appris que maman a bel et bien échappée, comme par miracle et vit à l’hospice des vieux, plusieurs familles ont reçu des nouvelles rassurantes sur son sort.

Après quelques jours passés dans la caserne, on nous conduit dans un fantastique bain public, nous avons pu faire une douche, ensuite les femmes de la Croix Rouge nous ont enveloppés dans des draps réchauffés. Avant les docteurs nous avaient examinés avec soin pour voir si on n’avait pas des poux, sans méchanceté aucune ; nous avons pu ensuite laver nos cheveux avec un shampooing fin et les sécher au sécheur électrique comme chez un coiffeur de première classe.

Ma petite fille Suzanne a été emmenée par la Croix-Rouge àl’hôpital.

Nous avons été transportés dans une salle de gymnastique de la ville. Nous allons partir de là vers un camp permanent.

Ici, déjà pendant le bain, nous avons reçu des chaussures, ceux qui en avaient le plus besoin. Mariette, ayant des chaussures en loques, a reçu des bottes qui appartenaient à la petite fille d’un fourreur originaire de Budapest.

Le soir, nous avons eu une fête de chanukka fantastiquement émouvante dans l’entrée de la salle de gymnastique: le rabbi docteur Rothschild nous tenu un discours, tous, juifs, chrétiens, ont pleuré. Les citoyens et citoyennes de la ville ont distribué des douceurs à tous les enfants, sucreries, chocolat et beaucoup de pommes. La Croix Rouge a donné aux adultes – pour le moment à ceux qui en ont le plus besoin. Ainsi Anne a reçu une paire des chaussures et a pu jeter les semelles de bois en loques.

Nous avons pu lire des journaux dès notre arrivée, des journaux libéraux fantastiques et tas de revues hebdomadaires, ce qui me procurait une joie particulière.

Le lendemain matin, de nouveau nous avons tous reçu un petit-déjeuner avec du pain, fromage et jambon, beaucoup de pommes pour la route et nous sommes parties vers la gare.

Le paysage enneigé, la courte route ensoleillée au matin jusqu’à la gare est devenue inoubliable pour nous. À tout bout de champ on nous arrête et de certaines maisons surgissent des gentils hommes et femmes. Pendant notre marche, ils nous mettent dans notre main : chocolat, pommes, bonbons, et des paquets avec des vêtements… On ne peut pas décrire, combien c’est touchant de sentir autant d’amour autour de nous, après le déferlement de la haine si longtemps vécu.

Suit un merveilleux voyage, dans un wagon avec des grandes fenêtres par lequel on pouvait regarder, assis commodément. Nous avions l’illusion d’être des membres d’un voyage en groupe. Les accompagnatrices, membres de FHD (Frauen Hifs Diest), nous donnaient des chocolats et pommes, du thé déjà pendant notre voyage et elles nous ont aidé à recevoir et distribuer les cadeaux nous attendant à certaines gares ; ( thé chaud, petits pains, gâteaux, fruits). Elles disent que beaucoup des femmes suisses seraient heureuses d’arriver dans l’endroit merveilleux où l’on nous transporte.

À Montreux, nous sommes passés sur un chemin de fer à crémaillère.

Beaucoup de parents nous attendaient à la gare, entre autres Laci et Boriska. De nouveau des cadeaux, thé, chocolat, café, biscuit, gâteaux. Le tout de qualité de paix et pas de produits de substitution auxquels nous étions déshabituée depuis la guerre. Et quel plaisir de pouvoir enfin embrasser ceux qui se sont échappés en août, avec le premier groupe ; pas seulement leur parler à travers la fenêtre de la caserne comme avant.

Suit une route de 35 minutes vers en haut, 700 mètre plus haut. Merveilleux ! Nous sommes arrivés. Nous flânons dans les corridors.

Enfin, on nous met dans des chambres, deux dans un lit ou sur un matelas. Ceci malheureusement -sauf quelques exceptions- est ainsi encore jusqu’à ce jour. Bien sûr, nous nettoyons, lavons, repassons, etc. Seulement la cuisine se fait, avec notre aide par des cuisiniers suisses.

Nous sommes toujours sous la surveillance sévère des soldats. Dans les premières 3 à 4 semaines, personne n'a pu nous rendre visite. Ensuite, nos familles ont reçu le droit de nous voir- après beaucoup de difficultés. Nous recevons toujours des cadeaux dont nous avons besoin, tenant compte de notre corps affaibli et l’alimentation insuffisante d’ici. Et malheureusement, cet hôtel est à peine chauffé.

L’administration est difficile, on nous a donné de l’eau chaude pour nous laver et laver la linge seulement après 5 à 6 semaines. La propreté d’hôtel était faible, mais finalement on a distribué les taches entre nous, organisant bien la main d’œuvre. Nous, de plus de 60 ans, n’avons pas reçu d’autre travail à faire qu’avoir soin de nos propres vêtements et chambres. Anne a lavé les corridors, mais maintenant comme professeur de gymnastique et masseuse pour les malades à l’hôpital en facede nous et enseignant de danse pour préparer des spectacles, elle a reçu une dispense.

Moi, j’ai de quoi faire mais ça fait bien à ma santé. Je commence à avoir de nouveau de forme humaine. Emil, quant à lui, est entré dans l’hôpital se trouvant vis-à-vis, l’alimentation y est meilleure et en plus il y est tranquille: il peut aussi se réjouir d'avoir un lit pour lui seul.

1 commentaire:

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.